Violence sectaire au Nigéria (II) | Comprendre les acteurs et enjeux du conflit

CSI a lancé un site (en anglais) dédié à la situation au Nigéria : www.nigeria-report.org. L’article ci-dessous reprend des extraits de ce site.

Nigeria-4.

On estime à environ mille sept cents le nombre de personnes tuées au cours des neuf premiers mois de 2018 dans des éruptions de violence communautaire dans tout le Nigéria. 1 Les droits territoriaux sont à la base du conflit, ainsi les fermiers accusent les éleveurs nomades peuls de détruire leurs récoltes quand ils conduisent leur bétail en passant par les terres cultivées. Dans le but d’apaiser les tensions, deux États fédérés du Sud (Benue et Taraba) ont introduit une interdiction de pâturage du bétail en novembre 2017. En conséquence, il y a eu un exode d’éleveurs vers les États voisins, provoquant des heurts avec les fermiers. Le nouveau conflit fait suite à l’insurrection islamique du groupe Boko Haram commencée en 2009 et violemment réprimée par les forces gouvernementales. Il a été encore plus coûteux en vies humaines que l’insurrection elle-même. 2

Boko Haram

Le Groupe sunnite pour la prédication et le djihad, plus connu sous le nom de Boko Haram (qui signifie « l’éducation occidentale est un péché ») est une organisation militante sunnite qui pratique le djihad et est basée au Nigéria. Depuis 2009 et la mort du fondateur Mohamed Yusuf en garde à vue, Boko Haram a perpétré de nombreux actes violents, rapts et attentats. On estime que plus de vingt mille personnes sont mortes au nord-est du Nigéria depuis le début de l’insurrection, et qu’environ deux millions sont déplacées. En 2014, le groupe a pris le contrôle de bandes de territoires et a proclamé un « État islamique », attaquant fréquemment églises et mosquées. Ciblé par la Force multinationale mixte (FMM), incluant des forces venant du Bénin, du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Nigéria, Boko Haram a perdu du terrain suite à des défaites militaires et est plus fragmenté. Mais ces derniers mois, ses attaques se sont intensifiées sur les bases militaires dans l’État fédéré de Borno et près de l’État fédéré de Yobe, sapant les affirmations des militaires selon lesquelles l’armée aurait pris le dessus.

Les Peuls

Cette tribu musulmane considérée comme le plus grand groupe semi-nomade du monde est présente dans toute l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

Au Nigéria, certains Peuls sont encore des bergers semi-nomades, d’autres sont sédentarisés dans les villes. Les pasteurs gardent leurs troupeaux sur de vastes territoires. L’insurrection de Boko Haram, ainsi que la désertification grandissante, a contraint les bergers à quitter leurs pâturages traditionnels du Nord pour partir vers le Sud, dans des régions à dominante agricole et chrétienne, à la recherche de pâturages et d’eau.

Une minorité de Peuls armés a causé une vague d’attaques brutales dans la partie centrale du pays parmi la communauté chrétienne : destruction d’églises et d’habitations, assassinats et déplacements de population. L’Indice global du terrorisme de 2018 recense « un développement dramatique de violence impliquant des peuls extrémistes ». 3

De telles attaques ont renforcé la croyance selon laquelle les militants islamistes voulaient tuer toute la population chrétienne. Selon Amnesty International, 3 641 personnes ont été tuées dans des attaques et des représailles impliquant des agriculteurs et des éleveurs peuls entre janvier 2016 et octobre 2018, dont 57 % rien qu’en 2018. 4

ISWAP ou Province d’Afrique de l’Ouest de l’État Islamique

Faction de Boko Haram qui a prêté allégeance au groupe terroriste EI, l’ISWAP est active dans la région du lac Tchad. Il est responsable du rapt de cent dix écolières dans une ville du Nord, Dapchin, dans l’État fédéré de Yobe, en février 2018. Un mois plus tard, ils ont enlevé deux travailleurs humanitaires du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les ont tués peu après. Le 23 février 2019, l’ISWAP a revendiqué l’attentat à la bombe de Maiduguri, État fédéré de Borno, quelques heures avant le début des élections présidentielles et parlementaires.


1 Institute for Economics & Peace Global Terrorism Index 2018.

2 Rapport de l’International Crisis Group Juillet 2018.

3 Global Terrorism Index 2018, p. 5.

4 Rapport d’Amnesty International : « Récolter les morts », 2018, p. 6.

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