30 janvier 2017

Boko Haram veut exécuter une femme de 75 ans

Le fils d’Aishafu Joshua est accusé à tort d’avoir mis sur pied une milice chrétienne pour combattre les musulmans. Il n’en faut pas plus au groupe terroriste islamiste Boko Haram qui tente d’exécuter cette femme. Mais des musulmans âgés lui sauvent la vie.

Aishafu et Yakobu Joshua vivent depuis bientôt deux ans dans le camp de réfugiés chrétien de Jos. Seule une paix durable leur permettra de retourner dans leur patrie. (csi)

Les collaborateurs CSI Franco Majok et Reto Baliarda rencontrent Aishafu et Yakobu Joshua dans le camp de réfugiés chrétien de Jos. Aishafu leur montre une cicatrice en haut de son bras gauche. Les traces d’un coup de feu tiré par les extrémistes de Boko Haram. Cette femme âgée de 75 ans exprime sa reconnaissance d’être encore en vie. Et son fils (40 ans) explique comment ils ont pu échapper de justesse à Boko Haram.

Musulmans contre chrétiens

En novembre 2014, leur village natal de Ngoshe (État de Borno) est attaqué par Boko Haram. Les terroristes abattent de nombreuses personnes – surtout des chrétiens – et incendient les maisons. Fait tragique, plusieurs musulmans de ce village multiconfessionnel se joignent aux islamistes pour bouter le feu aux églises. Yakobu déplore : « Depuis lors, notre localité est encore plus divisée. »

Certains chrétiens de Ngoshe n’acceptent pas passivement cette trahison et ils décident de répliquer, ce qui coûte la vie à plusieurs d’entre eux. Les chrétiens font donc appel à l’armée nigériane. Mais au lieu d’arbitrer le conflit, celle-ci se range du côté des musulmans et accuse les chrétiens d’avoir déclenché les hostilités. Yakobu se souvient : « Avec d’autres chrétiens, j’ai été passé à tabac par les soldats, avant d’être emprisonné dans la ville voisine de Gwoza. J’ai ensuite été remis en liberté. »

Condamnée à mort

Lorsque Yakobu rentre chez lui, la situation s’est encore détériorée, des combattants de Boko Haram s’étant entre-temps introduits parmi les habitants musulmans. Le jour suivant, les extrémistes attaquent une nouvelle fois Ngoshe, en prenant pour cible uniquement les hommes chrétiens. Ces derniers fuient dans les montagnes tandis que les femmes sont épargnées et peuvent rester au village. Aishafu choisit donc de rester sur place.

Mais cette décision a de graves conséquences pour elle : les islamistes accusent ses fils d’avoir mobilisé des milices chrétiennes pour mener des actes de représailles contre les musulmans. Yakobu précise : « Cette accusation est totalement calomnieuse. » Or comme les fils sont introuvables, c’est leur mère qui est désignée pour être exécutée. En outre, Aishafu est accusée d’avoir cuisiné pour des hommes en fuite.

Les sympathisants de Boko Haram ne montrent aucune pitié pour cette femme âgée de 75 ans. Ils l’embarquent sur une moto pour l’amener au lieu d’exécution de la milice terroriste. Mais le commando est arrêté en route par des hommes musulmans d’un certain âge. Ils ne peuvent pas tolérer que Boko Haram mette à mort cette vieille femme. Les terroristes font donc demi-tour. Mais ils n’en restent pas là : ulcérés par leur échec, ils décident de laisser mourir Aishafu à petit feu : l’un d’entre eux lui tire une balle dans le bras, puis ils la font tomber de la moto sur le bord de la route, espérant qu’elle mourrait en perdant son sang.

Sauvée par des villageois

Aishafu mobilise toutes ses forces et parvient tout de même à se traîner jusqu’au prochain village où sa blessure est bandée. Yakobu, qui se trouvait à ce moment-là caché dans les collines avoisinantes avec des hommes et des enfants, est heureux de voir que la situation tragique laisse encore une place à la compassion chez ses semblables. Aishafu peut rejoindre son fils et, après d’heureuses retrouvailles sur les hauts de Ngoshe, ils s’enfuient avec d’autres chrétiens jusqu’à Makulu (Cameroun). Sur place, la balle peut enfin être extirpée du bras d’Aishafu.

Buhari ou votre vie

Yakobu et Aishafu poursuivent leur périple pour finalement atteindre, après trois jours, le camp de réfugiés de Yola, capitale de l’État fédéral nigérian d’Adamawa. Mais dans ce camp géré par des musulmans, pas de répit non plus : « Les chrétiens étaient continuellement menacés d’être mis à mort au cas où Muhammadu Buhari ne gagnerait pas les élections nationales » (il a été élu en mai 2015).

En mars 2015, le groupe de chrétiens poursuit son exil pour atteindre le camp de Jos. Là, ils se sentent enfin en sécurité et ils ont assez à manger. La question du retour à Ngoshe a été posée à Aishafu et Yakobu. Ce dernier est réaliste : « Un retour n’est envisageable que si une paix durable revient dans notre village divisé. »

Reto Baliarda

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