
En juin 2017, une équipe de CSI s’est rendue au nord de l’Irak pour visiter la plaine de Ninive qui avait été presque intégralement conquise en 2014 par l’État islamique (EI). Entre-temps, les djihadistes ont été chassés et les premières familles sont de retour. Elles rencontrent d’immenses défis et elles ont besoin de soutien.
Baqofa, un petit village chrétien au nord de la ville de Mossoul. Le soleil vient de se coucher. Quelques enfants jouent dans les rues désertes et échangent les quelques mots anglais qu’ils connaissent. Ils veulent impressionner les étrangers qui leur rendent visite. Leurs yeux sont pleins d’espoir et de joie : après trois ans, ils sont enfin à nouveau à la maison ! Leurs parents sont aussi heureux et soulagés. Mais dans leur regard, on perçoit de l’inquiétude : combien de temps ce répit durera-t-il ?
Avant 2014, ce village très ancien comptait environ 600 habitants. Lorsque la plaine de Ninive tombe aux mains de l’EI en août 2014, il ne reste plus que quelques personnes âgées terrées dans leurs maisons. Deux semaines plus tard, l’EI se retire et Baqofa retourne sous le contrôle des peshmerga (les forces armées du Kurdistan). Mais la ligne de front est située à trois kilomètres et les habitants chassés n’osent pas rentrer.
Le 3 mai 2016, l’EI reconquiert Baqofa et Telskuf, une ville voisine. Les peshmerga soutenus par les forces aériennes de la coalition internationale sous la houlette des USA repoussent l’EI en quelques heures, mais les combats violents endommagent de nombreuses infrastructures et l’approvisionnement en eau potable est par exemple coupé.
Depuis que l’EI est en constant recul, quelques familles rentrent chez elles. Ce sont 30 familles qui vivent à Baqofa quand nous arrivons. Mais le village reste comme mort.
Dans la ville voisine de Telskuf qui comptait autrefois plus de 10 000 habitants, se retrouvent maintenant 630 familles. Cette zone autrefois commerciale revient peu à peu à la vie. Certains entreprennent de rouvrir leurs magasins, mais le volume d’affaires est dérisoire, puisque la clientèle principale d’autrefois, les Arabes et les yézidis des localités environnantes, se voient refuser l’accès aux points de contrôle des peshmerga.
Dans une église de Telskuf, nous rencontrons le père Salar Boudagh, le curé de Telskuf et de Baqofa. Il est originaire d’Alqosh, une ville de la région célèbre pour son monastère situé dans les collines du Kurdistan. Après une formation de sept ans en Italie, il est rentré en Irak en 2015.
Le père Salar évoque son quotidien, ses activités pour la paroisse, les projets de reconstruction qu’il supervise. Il fait état des nombreux problèmes auxquels il doit faire face et de ses projets d’avenir. Il semble presque que nous parlons avec le maire et pas avec le curé. En effet, le père Salar assume de nombreuses tâches qui incomberaient aux autorités, mais pour l’instant, il n’existe aucune autorité civile…
Lorsque je le signale, le religieux répond d’une voix lasse : « Le fait que l’Église reprenne le travail des autorités n’est pas un modèle pour l’avenir. » Il est clair que les diverses charges séculières qui s’ajoutent à son ministère spirituel pèsent lourdement sur lui. Mais il n’a que peu d’espoir de voir la situation changer dans un futur proche : « Ni Bagdad, ni Erbil ne s’occupent de nous. Nous n’avons pas d’autres possibilités : nous sommes seuls pour prendre en charge notre destin. » En outre, la question de savoir si la région sera soumise au contrôle du gouvernement irakien à Bagdad ou du Kurdistan (Erbil) n’est pas résolue.
Malgré tout, notre visite se conclut sur une note d’espoir : le père Salar est déterminé à se mettre entièrement au service de sa commune, de coordonner la reconstruction et même de créer des possibilités de formation pour les jeunes sans-travail. Son grand désir est de les voir rester en Irak.
Hélène Rey
Le voyage de CSI est le début d’une vaste action humanitaire pour les familles qui rentrent dans la plaine de Ninive. À Baqofa et à Telskuf, nous avons distribué plus de 200 filtres à eau qui permettent aux familles de produire de l’eau potable à base d’eau polluée. À l’ouest de Mossoul, plus de 300 familles récemment libérées des griffes de l’EI ont reçu un colis de nourriture. Dans deux villages isolés où vivent les Kakaï, une petite communauté adepte du yârsânisme, nous avons apporté plus de 400 corbeilles contenant des produits d’hygiène.
Nos partenaires de l’organisation des droits de l’homme Hammurabi poursuivent cette action. Ils vérifient continuellement la situation et déterminent l’urgence de nos interventions. Les familles qui rentrent ont vécu près de trois ans comme réfugiés dans une région étrangère. Maintenant, souvent dans le dénuement le plus total, elles rentrent dans leur patrie détruite et doivent se reconstruire une nouvelle existence. CSI les soutient.
Nous serions heureux que vous nous fassiez part de vos commentaires et de vos ajouts. Tout commentaire hors sujet, abusif ou irrespectueux sera supprimé.