« Des enfants sont exploités dans des familles, dans des usines et dans des maisons closes »

Le nombre de victimes de la traite des êtres humains s’accroît. Parul Singh nous explique pourquoi les parents ne peuvent pas s’en remettre à la police. Il dirige notre programme en Inde et il est responsable du foyer protégé qui a été ouvert en 2019.

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CSI : À combien estimez-vous le nombre des victimes de la traite des êtres humains en Inde ?

Parul Singh * : Il y a environ 19 millions de personnes concernées et la majorité d’entre elles ont moins de 18 ans. Les enfants sont exploités dans des usines, dans des familles où ils doivent faire le ménage et dans des maisons closes. Ce trafic est en pleine recrudescence. L’augmentation de la pauvreté en Inde va de pair avec une criminalité croissante, y compris chez les femmes : environ 50 % des trafiquants en Inde sont des femmes.

Plus de la moitié des victimes ne sont-elles pas des femmes ?

Oui. Mais la « demande » de garçons est en augmentation. D’une part parce qu’ils sont exploités en tant que main-d’œuvre bon marché. D’autre part parce que toujours plus d’homosexuels sont impliqués dans la traite des êtres humains.

Comment expliquez-vous la prospérité de ce trafic ?

Il existe en Inde une culture de l’oppression : les membres des castes supérieures traitent ceux des castes inférieures de façon irrespectueuse, aussi dans les organes de l’État, alors même que l’égalité de tous les citoyens est ancrée dans la Constitution indienne. Ainsi donc, les dalits sont les plus touchés par la traite des êtres humains, car ils peuvent être facilement appâtés par de l’argent ou par des offres d’emploi fictives. Un enfant se négocie à environ 400 francs suisses sur le marché. Cela représente une somme élevée pour des dalits sans ressources.

De plus, il y a chez nous une sorte d’omerta : de nombreux Indiens pensent que lorsqu’une personne subit une injustice, elle l’a mérité (notion de karma). Ce genre d’arguments rappelle rapidement au silence celui qui aurait osé élever la voix contre l’injustice.

Et il faut savoir que le trafic d’êtres humains se propage toujours plus via internet, notamment sur les réseaux sociaux comme Facebook et YouTube. Cela rend notre travail encore plus difficile. Internet renforce aussi un trafic d’êtres humains qui sort des frontières.

Mais lorsqu’un enfant est kidnappé, les parents peuvent s’adresser à la police !

Malheureusement, la police reste souvent passive. Elle ignore les appels à l’aide, car les victimes font souvent partie de groupes de population défavorisés. Elles ont même peur de s’adresser à la police. C’est la raison pour laquelle nous organisons des conférences d’information dans les villages et remettons un numéro d’urgence qu’elles peuvent composer pour nous informer et demander de l’aide.

Il faut malheureusement aussi dire que ce sont souvent des membres de leur famille qui vendent les enfants. Cela se produit en général pour des raisons économiques. Je me souviens d’une situation qui a eu lieu il y a quelques mois : nous avions pu sauver d’une maison close de Delhi trois filles âgées de 15 et 16 ans originaires de l’État du Jharkhand. Leurs propres parents ont voulu les vendre à nouveau !

Vous avez heureusement pu éviter ce dénouement ! Combien de victimes avez-vous pu sauver récemment ?

Ces deux dernières années, nous avons délivré plus de 500 victimes.

Est-ce que l’appartenance religieuse joue un rôle important par rapport à la traite des êtres humains ?

Ce sont des personnes de toutes religions qui sont victimes de ce trafic. Mais les minorités religieuses sont particulièrement menacées, car elles jouissent de moins de protection à cause de leur foi.

Le foyer protégé soutenu par CSI est fonctionnel depuis 2019. Comment les choses se passent-elles ?

Il y héberge actuellement six filles qui sont encadrées avec amour et qui vivent dans un environnement protégé. Elles reçoivent de l’aide pour surmonter leur traumatisme. De plus, elles peuvent aller à l’école et elles suivront ensuite une formation. Elles sont ainsi préparées pour un avenir stable et autonome.

Reto Baliarda

* Nom fictif

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