L’Azerbaïdjan coupe l’artère vitale du Haut-Karabakh

Depuis plusieurs jours, la seule liaison entre l’Arménie et le Haut-Karabakh est bloquée. Quelque 120 000 Arméniens du Haut-Karabakh sont complètement encerclés par l’Azerbaïdjan et coupés de tout approvisionnement extérieur. Les gens ont peur et craignent une catastrophe humanitaire. CSI soutient une alerte au génocide.

Un point de contrôle sur la route entre l’Arménie et Stepanakert, la capitale du Haut-Karabakh. mad

Un point de contrôle sur la route entre l’Arménie et Stepanakert, la capitale du Haut-Karabakh. mad

 

Depuis le 12 décembre 2022 déjà, la seule route reliant l’Arménie au Haut-Karabakh est bloquée. De prétendus écologistes et journalistes azerbaïdjanais bloquent le corridor de Latchine. Ils ont déclaré que ce blocage visait à protester contre l’exploitation polluante des ressources minières dans la région du Haut-Karabakh peuplée par des Arméniens. Le gouvernement azerbaïdjanais n’en tient pas compte et laisse faire le blocus. Les forces de maintien de la paix russes ne l’ont pas non plus empêché. « Les allégations des manifestants sont ridicules. Des forces spéciales azerbaïdjanaises les ont depuis longtemps rejoints pour s’opposer aux Russes », déclare Joel Veldkamp, collaborateur de l’organisation de défense des droits de l’homme Christian Solidarity International (CSI).

La « politique génocidaire » de l’Azerbaïdjan

Environ 120’000 Arméniens du Haut-Karabakh sont ainsi complètement encerclés et coupés de tout approvisionnement extérieur. Les familles sont séparées les unes des autres, les cas médicaux graves ne peuvent pas être transférés en Arménie pour y être traités. Il n’y a pas de ravitaillement en carburant, médicaments, nourriture et autres produits de première nécessité. Quatre villages arméniens sont coupés et complètement isolés non seulement de l’Arménie, mais aussi du Haut-Karabakh. La politique de siège de l’Azerbaïdjan dans le Caucase du Sud est qualifiée de « génocidaire ». Les Arméniens du Haut-Karabakh craignent une catastrophe humanitaire.

Le froid, la faim, la violence

Selon Gegham Stepanyan, médiateur pour les droits de l’homme au Haut-Karabakh, 400 tonnes de biens vitaux arrivent normalement chaque jour dans la région par cette route. Cette artère vitale est désormais coupée. Depuis le 13 décembre 2022, le gaz n’est plus acheminé vers le Haut-Karabakh. Toutes les écoles sont fermées, car elles ne peuvent plus être chauffées. Au centre de réhabilitation Lady Cox de Stepanakert, où sont soignés les personnes souffrant de handicapes ou de blessures de guerres, les thérapies sont annulées par manque de carburant ; de nombreux traitements ambulatoires ne sont pas utilisés, car  l’essence manque pour le transport des patients. Le pain et le carburant sont rationnés.

« La terreur comme l’EI »

Le 13 décembre 2022, Vardan Tadevossian, directeur du centre de réhabilitation et partenaire de CSI au Haut-Karabakh, décrit la situation sur place qui ne cesse de se dégrader : « Il fait un froid glacial et aujourd’hui il n’y a pas d’électricité. Les enfants et les adultes handicapés du centre sont terrifiés. La peur circule que les Azéris et leurs alliés turcs attaquent à nouveau. Tout le monde ici se souvient du génocide et de l’épuration ethnique et des atrocités commises contre les Arméniens entre 1988 et 1994 et en 2020. » Les Azéris ont diffusé sur leurs médias sociaux des photos et des vidéos de décapitations et d’exécutions d’Arméniens. Ils feraient ainsi la même chose que l’État islamique (EI) à l’époque. Pour Vardan Tadevossian, les Arméniens du Haut-Karabakh risquent d’être massacrés si l’Azerbaïdjan est autorisé par ses partenaires en Occident et ailleurs à mener de nouvelles opérations militaires contre eux.

Souvenirs de 1988 à 1994

En fait, la campagne d’extermination menée par l’Azerbaïdjan contre les Arméniens du Haut-Karabakh entre 1988 et 1994 a également commencé par un blocage du trafic routier et ferroviaire, suivi d’attaques armées. Joel Veldkamp (CSI) en est convaincu : « L’objectif de la dictature azerbaïdjanaise est de rendre impossible aux chrétiens arméniens de vivre dans leur pays. Il est tout à fait possible que le blocus actuel soit le prélude à d’autres attaques. À l’inverse, une attaque arménienne contre les bloqueurs de routes pourrait fournir à l’Azerbaïdjan le prétexte pour attaquer le Haut-Karabakh. »

Mettre un terme à l’agression

En attendant, la population du Haut-Karabakh espère que les grandes puissances ne se laisseront pas aveugler par des intérêts pétroliers en Azerbaïdjan et que la Turquie ne sera pas tentée par des intérêts géopolitiques et de fermer les yeux sur un éventuel génocide des Arméniens du Haut-Karabakh. Vardan Tadevossian déclare : « Nous appelons les partenaires économiques et militaires de l’Azerbaïdjan à mettre un terme à l’agression du régime du président azéri Ilham Aliyev. » Les Arméniens du Haut-Karabakh considèrent qu’une cohabitation sous contrôle azerbaïdjanais est exclue. Ils craignent d’être soit expulsés, soit tués.

Appel urgent aux grandes puissances

L’ambassadrice Anna Ifkovits, responsable de la division Eurasie du département fédéral des Affaires étrangères (DFAE), a exprimé dans un tweet du 15 décembre 2022 l’inquiétude du gouvernement suisse face aux développements autour du corridor de Latchin. Elle demande son ouverture rapide, le libre passage et la poursuite des échanges commerciaux entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. CSI appelle à la solidarité avec les chrétiens arméniens du Haut-Karabakh et soutient leur droit à se gouverner eux-mêmes dans leur pays. En même temps, CSI lance un appel aux États-Unis, à la Grande-Bretagne, à l’Union européenne et la Fédération de Russie pour contraindre l’Azerbaïdjan à mettre fin au siège du Haut-Karabakh. L’organisation chrétienne des droits de l’homme exhorte également à revoir les liens économiques avec l’Azerbaïdjan. CSI demande notamment à Migros de mettre fin à l’accord de franchise principale pour les boutiques de stations-service avec le groupe énergétique public azerbaïdjanais SOCAR. Une collecte de signatures est actuellement en cours, soutenue par un large groupe de soutien.

Rolf Höneisen

John Eibner, président de CSI : « Il faut agir maintenant ! »

Les conditions d’un génocide des Arméniens du Haut-Karabakh (Artsakh) sont désormais réunies. C’est pourquoi CSI a signé le 19 décembre 2022 une alerte au génocide. Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme y constatent que tous les quatorze facteurs de risque de la prévention du génocide de l’ONU sont remplis dans ce conflit. John Eibner, président international de Christian Solidarity International (CSI), a commenté l’alerte au génocide : « Le blocus du Haut-Karabakh signale l’intention du gouvernement azerbaïdjanais d’entamer une nouvelle phase du génocide. Si les engagements mondiaux pour la prévention du génocide devaient avoir une quelconque signification, la communauté internationale doit alors agir maintenant et protéger la population civile du Haut-Karabakh. » La liste des signataires de l’alerte au génocide est mise à jour en permanence.

CSI appelle à prier pour les chrétiens du Haut-Karabakh, en particulier pour les personnes âgées, les malades et les faibles, mais aussi pour un règlement pacifique de la crise.

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