
Le nouveau président nigérian Muhammadu Buhari a déclaré la guerre au groupe terroriste Boko Haram. Reste à savoir si ces paroles seront suivies par des actes.
Le 31 mars 2015, pour la première fois dans l’histoire du Nigéria, un président en exercice, Goodluck Jonathan, a été remplacé lors d’une élection régulière. À cela s’ajoute que M. Jonathan a admis sa défaite électorale, contribuant de façon décisive à un changement de pouvoir pacifique.
Lors de son entrée en fonction le 29 mai 2015, le nouveau président Muhammadu Buhari (72 ans) a promis de ne rien laisser au hasard dans sa lutte contre Boko Haram. M. Buhari est un musulman pratiquant qui considère la religion comme une affaire privée et qui prend publiquement ses distances avec l’extrémisme des terroristes. « Boko Haram est un groupe d’impies psychopathes », martèle-t-il.
Il y a une trentaine d’années, Muhammadu Buhari a déjà prouvé que la détermination faisait partie de ses traits de caractère : alors qu’il occupait le poste de général, il avait renversé le gouvernement civil en 1983.
Sa dictature d’environ 20 mois avait été marquée par des mesures grotesques. Estimant que la principale raison de la décrépitude de son pays était le manque de discipline, il avait instauré des prescriptions pour le moins singulières. Ainsi, des soldats munis de fouets faisaient des contrôles inopinés pour vérifier si les gens faisaient la queue de façon ordonnée aux arrêts de bus ; les fonctionnaires qui arrivaient en retard au travail étaient humiliés publiquement et obligés de sauter comme des grenouilles à travers les bureaux ; la liberté de presse était également limitée.
Or, M. Buhari semble se soumettre lui-même à une discipline de fer. Il a la réputation d’être incorruptible. Même ses opposants le décrivent comme une personne humble et intègre.
Lors de son élection, sa fermeté et son intransigeance lui ont servi, car c’est ce qu’on attend de lui dans la lutte contre le djihad mené par Boko Haram. M. Buhari en est conscient. Durant sa campagne électorale, il a manqué de devenir lui-même une victime du groupe terroriste : en juillet 2014 à Kaduna, il a échappé, à une attaque qui portait manifestement la signature de Boko Haram. Après cet attentat manqué, il a promis d’en finir avec l’insurrection des islamistes s’il était élu président. Lors de son entrée en fonction, il a souligné que le Nigéria était exposé à d’« énormes défis » qu’il aborderait de front.
Il a annoncé vouloir lutter contre le groupe terroriste sur le terrain et il a établi dans ce but un centre de commande militaire dans la ville de Maiduguri, en pleine zone de conflit, et ce jusqu’à ce que les troubles soient terminés.
Mais pour que ce plan puisse aboutir, il doit rétablir la confiance de la population en l’armée. Selon un rapport d’Amnesty International, depuis 2011, au moins 8000 personnes sont mortes lors des gardes à vue par l’armée ou ont été exécutées de façon illégale.
Non seulement M. Buhari est le premier chef d’État qui a évoqué clairement ces abus, mais mi-juillet 2015, il a limogé tout le commandement de l’armée ainsi que le conseiller à la sécurité nationale.
Malgré toute sa détermination, M. Buhari ne peut pas faire de miracles. Au cours des dix premiers jours de son mandat, le Nigéria a été la cible de onze attentats qui ont fait au moins 93 victimes. Mais le nouveau président passe pour un porteur d’espoir des Nigérians qui espèrent un homme fort à la tête de l’État.
Par ailleurs, M. Buhari a toujours été aimé par la population pauvre et marginalisée du nord du Nigéria. Ces prémisses semblent prometteuses dans le but d’instaurer un équilibre entre le Nord peu productif et le Sud riche en pétrole, et ainsi peut-être couper l’herbe sous les pieds du vivier de l’extrémisme.
Obiora Ike, le vicaire général du diocèse nigérian d’Enugu, espère que le nouveau président respectera les valeurs chrétiennes, à savoir la liberté, l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme.
Reto Baliarda
Depuis 2009, plus de 15 000 personnes ont été tuées lors d’attentats et de combats avec les rebelles. Des centaines d’autres sont encore retenues en otage. Ainsi, on ne sait pas où se trouvent les plus de 200 écolières enlevées par Boko Haram en avril 2014 à Chibok (État de Borno). Les familles avaient accusé l’ancien président Goodluck Jonathan de ne pas en faire assez pour leur libération.
Depuis mai 2013, CSI mène des missions au Nigéria. Dans la ville méridionale d’Enugu, CSI permet aux enfants de réfugiés d’aller à l’école, soutient un orphelinat et accorde des microcrédits afin que les personnes chassées de la zone de conflit puissent se reconstruire une nouvelle existence. À Madalla, CSI contribue à la prise en charge médicale à long terme des survivants de l’attentat à la bombe de Noël 2011 contre une église. Enfin, CSI aide les réfugiés des villes septentrionales de Maiduguri et d’Yola en fournissant des aliments et des soins médicaux.
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