11 décembre 2015

Les Rohingya apatrides au « pays des hommes libres »

Aujourd’hui, la Birmanie s’appelle Myanmar ce qui signifie « pays des hommes libres ». Mais, dans cet État à majorité bouddhiste, presque tous les ressortissants du groupe ethnique musulman des Rohingya vivent dans des camps inhumains.

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Sous la conduite du président Thein Sein, le gouvernement militaire en exercice depuis 2011 a accordé la liberté d’expression et de presse, des élections nationales et des libérations de prisonniers. Malgré cela, de nombreuses minorités sont discriminées en Birmanie. Ainsi, les chrétiens par exemple souffrent de l’interdiction étatique d’importer des Bibles traduites dans la langue autochtone ; ils subissent aussi la censure des publications religieuses ou des restrictions importantes lors de la construction ou la rénovation d’églises. 

Mais le sort de la minorité ethnique des Rohingya musulmans est encore plus terrible.

Un attentat cause 200 victimes

Les Rohingya constituent environ 4 % de la population birmane. Ils souffrent depuis longtemps de la discrimination sociale qu’ils endurent de la part de la majorité bouddhiste. Mais depuis 1982, leur citoyenneté leur est pratiquement retirée par la loi. Ils sont donc considérés comme des apatrides sans droits.

Lors des attaques violentes de mai/juin 2012, des moines bouddhistes extrémistes du Mouvement 969 et leurs sympathisants y ont participé activement, mais aussi des membres de la police. Au moins 200 Rohingya ont été tués et plus de 100 000 autres ont été chassés de leurs villages.

Depuis lors, on rapporte encore quatre autres attaques de grande envergure contre les Rohingya. À cette occasion, plus de 100 personnes ont été tuées et au moins 137 500 autres chassées. Pourtant, en 2011, le gouvernement leur avait accordé des « cartes d’identité restreintes », ce qui était une sorte de palliatif à la véritable citoyenneté. Le droit de vote et de résidence leur était ainsi accordé. Mais en février 2015, les Rohingya ont à nouveau perdu ces droits, sur l’ordre du gouvernement. Depuis lors, ils sont démunis en face d’une administration qui ne les reconnaît pas.

Un peuple dans la misère 

Aujourd’hui encore, ils passent leur vie dans des camps isolés du reste de la population. Ils ne possèdent pas de terres et n’ont que difficilement accès à l’eau et à l’électricité. En outre, ils sont sous-alimentés, n’ont guère accès aux soins et n’ont pas le droit d’aller à l’école secondaire. Leurs perspectives professionnelles noires les font souvent être exploités comme travailleurs forcés. Par ailleurs, les autorisations pour rénover leurs mosquées ne sont que rarement accordées et le fait de construire de nouvelles mosquées est inenvisageable.

Selon l’ONU, depuis 2012, plus de 120 000 Rohingya se sont enfuis dans des bateaux primitifs bondés, en espérant atteindre des pays comme la Thaïlande, l’Indonésie et la Malaisie. Ainsi, environ la moitié des 2,3 millions de Rohingya sont aujourd’hui réfugiés dans ces pays.

Le problème, c’est que le statut de ces réfugiés n’est pas régularisé pour autant, loin de là : les gouvernements des pays d’accueil leur octroient tout au plus un droit de séjour provisoire dans un camp d’internement. Et ce droit peut être révoqué à tout moment pour les renvoyer en Birmanie.

Aung San Suu Kyi 

Le sujet des Rohingya est particulièrement sensible dans les pourparlers sociaux et politiques. Même la politicienne dirigeante de l’opposition birmane Aung San Suu Kyi ignore les Rohingya lorsqu’elle exige plus de démocratie et de droits de l’homme dans son pays. Et pourtant, son père lui-même, le fondateur de l’État U Aung San, avant son assassinat, avait explicitement reconnu les Rohingya comme une communauté ethnique égale en droits. Elle craint sans doute de mettre en jeu sa popularité en évoquant le sort des Rohingya, sachant qu’elle est candidate à la présidence du pays.

Max-Peter Stüssi


Discriminés depuis plusieurs décennies

En 1982, le gouvernement militaire de Birmanie (un pays à majorité bouddhiste) a déchu la plus grande partie des Rohingya musulmans de leur citoyenneté : ils ne seraient pas des « Bengalis » musulmans enracinés dans le pays comme les 134 autres groupes ethniques. Les Rohingya auraient immigré en Birmanie seulement au XIXe siècle, lors de la colonisation anglaise, traversant le subcontinent indien en venant d’une région située dans l’actuel Bangladesh. Pourtant, il est avéré que de nombreux Rohingya vivaient déjà quatre siècles plus tôt en Birmanie actuelle. 

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