La libération de jeunes filles islamisées : un combat contre des moulins à vent

Plus de mille jeunes filles chrétiennes sont enlevées chaque année, mariées de force et contraintes de se convertir à l’islam. CSI s’engage pour les sauver et les réhabiliter. Une tâche ardue, comme le montre les histoires de Chashman Gulzar et de Sneha Liaqat qui encouragent à persévérer sans compromis dans la lutte pour ces jeunes filles. Un aperçu de notre responsable CSI pour le Pakistan sur place.

Sneha Liaqat (deuxième de la gauche) avec sa famille. csi

Lors de mon voyage au Pakistan en janvier 2022, j’ai rencontré des histoires encourageantes mais aussi beaucoup de détresse. J’ai pu rendre visite aux neuf familles des jeunes filles islamisées et mariées de force que CSI a soutenues en 2021. Cela m’a brisé le cœur de voir souffrir les trois familles dont les filles vivent toujours avec leurs ravisseurs. Les parents m’ont dit en pleurant à quel point leur fille leur manquait. Pleurer avec eux, les prendre dans mes bras leur a fait du bien. Il n’existe guère de mots de réconfort. J’ai seulement pu leur assurer que nous continuerions à nous battre pour leur libération et à prier pour eux. »

Un jugement déconcertant

Chashman Gulzar (14 ans) est l’une de ces filles disparues. Le 27 juillet 2021, son père l’a vue pour la dernière fois après l’avoir déposée devant l’école afin qu’elle puisse aller chercher ses devoirs de sixième année (il n’y avait pas de cours en raison du confinement). Le soir, lorsque le père est rentré de son travail de chauffeur de rickshaw, Chashman n’était pas à la maison. Le père a alerté la police, mais celle-ci a mis cinq jours avant de commencer à rechercher la jeune fille.

Après un certain temps, la famille a appris que leur fille avait été enlevée et était détenue dans un village voisin. Lorsque la police a voulu arrêter son ravisseur Muhammad Usman, il s’est défendu en disant qu’il avait convaincu la jeune fille de se convertir à l’islam et qu’il l’avait épousée. La police l’a alors laissé partir, pensant que la situation allait se calmer.

Les parents ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour récupérer leur fille. Le père a cherché de l’aide auprès d’une organisation locale qui a soutenu financièrement la famille. Chashman a finalement été amenée devant le tribunal, où elle a déclaré, comme de nombreuses victimes avant elle, qu’elle avait embrassé l’islam et s’était mariée de son plein gré. Lorsque l’affaire a été portée devant la Cour suprême de Lahore, la décision du juge a été un coup bas : « Ali, le gendre du prophète Mahomet, a embrassé l’islam à l’âge de 10 ans. S’il peut se convertir à 10 ans, une fille peut aussi se convertir à 14 ans. »

Les parents n’ont pas revu leur fille depuis le jour de sa disparition. Ils ont demandé de l’aide à Anjum Paul, partenaire de CSI, car l’organisation locale a abandonné l’affaire.

Enfuie

Sneha Liaqat a 16 ans. Elle nous accueille timidement lorsque nous pénétrons dans la cour intérieure de sa modeste maison. Derrière son sourire discret se cache une jeune femme courageuse qui a réussi à s’échapper elle-même de sa captivité. La mère, veuve depuis neuf mois, nous sert fièrement des œufs et du thé avec du lait de chèvre provenant d’animaux offerts par CSI. Puis elle commence à nous raconter ce qui s’est passé en juin 2021.

Ce matin-là, elle faisait les courses pendant que Sneha attendait dehors. Lorsqu’elle est sortie, elle n’a eu que le temps de voir une voiture démarrer… Selon des témoins oculaires, des hommes avaient entraîné Sneha dans la voiture. La mère a crié et couru à la suite de la voiture, mais elle n’avait aucune chance. Elle a seulement vu que Rizwan Kaila, un homme du même village, était au volant.

Sneha nous raconte qu’elle a été emmenée dans un autre village où elle a été détenue dans une chambre pendant huit jours : « J’avais terriblement peur et je pleurais souvent. » Ensuite, elle a été emmenée chez un religieux musulman qui devait bénir son mariage avec Rizwan Kaila. Le jour même, ils se sont rendus à Lahore pour faire enregistrer le mariage. En chemin, Sneha s’est rendue aux toilettes d’une aire de repos et a soudain vu un policier. « Je ne savais pas ce qui m’arrivait, mais je me suis dirigée tout droit vers lui et je lui ai dit que je n’étais pas là de mon plein gré. » Elle a eu de la chance : le policier l’a crue et a immédiatement placé Rizwan en garde à vue. 

Aujourd’hui encore, ce dernier est en prison. Certes, le clan influent du ravisseur tente de le faire libérer par tous les moyens. Selon la loi pakistanaise, un coupable peut être libéré si les familles de l’agresseur et de la victime se réconcilient, le plus souvent par le biais de compensations financières. D’importantes sommes d’argent ont également été proposées à la famille de Sneha. Mais grâce au soutien financier et moral de CSI et du partenaire local, la veuve tient bon. Elle sait combien il est important que Rizwan purge sa peine. C’est la seule façon pour lui de retrouver ses esprits.

Sneha Liaqat (deuxième de la gauche) avec sa famille. csi
Sneha Liaqat (deuxième de la gauche) avec sa famille. csi

Un grand encouragement

Nous poursuivons notre route. Nous nous approchons du désert du Cholistan, qui s’étend jusqu’en Inde. Sadaf Khan et sa famille vivent dans une simple maison en briques d’argile. Sadaf vient de terminer sa formation de six mois d’esthéticienne et vit à nouveau avec ses parents. Toute la famille a été très heureuse de recevoir les cartes de Noël qui l’ont encouragée. Sadaf Khan avait été enlevée à l’âge de 14 ans par un voisin musulman le 6 février 2019. Le même jour, elle avait été contrainte de se convertir à l’islam et de se marier de force. Grâce à l’aide et à la ténacité de notre partenaire Anjum Paul, le tribunal de tutelle a reconnu le 30 avril 2021 que Sadaf avait été mariée de force. Elle a pu retourner chez ses parents.

Les politiques complices

Chaque année, des filles de minorités religieuses sont victimes d’islamisation et de mariage forcés au Pakistan. Le chiffre officiel est de mille personnes par an, mais le nombre de cas non recensés est bien plus élevé. L’islamisation forcée se fait généralement par l’enlèvement, la violence sexuelle et le chantage. Malheureusement, les autorités locales sont souvent complices. Même les tribunaux, lorsqu’ils sont saisis, respectent rarement la loi sur la limitation du mariage, qui le fixe à 16 ans pour les filles.

La police ferme souvent les yeux. Elle laisse les auteurs agir en toute impunité en refusant d’enregistrer une plainte ou en falsifiant les informations. Il en résulte que les filles enlevées restent sous la garde de leur ravisseur pendant toute la durée du procès. Elles sont souvent violées et forcées, sous la pression, à affirmer que la conversion à l’islam ou le mariage étaient consentis.

Dans l’islam, convertir quelqu’un est considéré comme un acte pieux qui apporte des récompenses, quelle que soit la méthode utilisée pour effectuer la conversion ou le mariage. C’est pourquoi les religieux islamiques qui célèbrent les mariages n’ont pas l’intention d’enquêter sur le type de conversion et l’âge de la jeune fille.

Le projet de loi rejeté

En octobre 2021, le ministère des Droits de l’homme a présenté un projet de loi faisant un délit la conversion religieuse forcée de jeunes filles mineures non musulmanes au Pakistan. Le projet a toutefois été défini comme « non islamique » par le ministère des Affaires religieuses et de l’Harmonie confessionnelle. Le projet de loi est donc devenu caduc et n’a pas été présenté au Parlement.

Pour les parents concernés, la souffrance et l’angoisse pour leurs filles perdurent.

Une maison d’accueil pour les filles libérées

Depuis le début de l’année 2022, CSI soutient une maison d’accueil pour femmes afin de permettre aux filles libérées de séjourner en toute sécurité après leur libération. De nombreuses filles sont gravement traumatisées. Un retour chez les parents est risqué, car les agresseurs habitent souvent dans le même quartier. Pendant trois à quatre mois, les jeunes femmes ont le temps d’effectuer un travail sur ce qu’elles ont subi dans un environnement sûr, avec l’aide d’une psychologue. Elles bénéficient également d’un accompagnement spirituel. Car après des mois de lavage de cerveau, il est important de pouvoir reprendre pied dans leur propre foi.

La responsable CSI pour le Pakistan

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