Le Sud-Soudanais Franco Majok organise les actions de libération d’esclaves de CSI au Soudan/Soudan du Sud. Il s’y rend plusieurs fois par année pour coordonner l’accueil des affranchis.
Lors du congrès Christenverfolgung heute qui a lieu tous les deux ans à Gémunde-en-Souabe (Allemagne) et qui réunit une quarantaine d’organisations chrétiennes, Franco était l’un des principaux intervenants. Il a évoqué devant trois cents auditeurs la libération des esclaves au Soudan et le contexte de cette libération.
Quand la Grande-Bretagne a abandonné ses prérogatives coloniales et quitté la région, elle a cédé tout son pouvoir au nord du Soudan, laissant le Sud à son sort.
Ainsi, lors de la première guerre civile qui a duré de 1955 à 1972, les islamistes soudanais avaient l’intention d’islamiser le Sud chrétien.
Il s’enfuit à pied au Congo
En tant que Sud-Soudanais, Franco Majok a donc également évoqué son histoire personnelle.
« Étant donné que mon père s’était engagé en faveur d’un accès à l’instruction scolaire et que mon frère avait rejoint la résistance, ma famille était considérée comme un ennemi de l’État. Moi-même, alors que j’étais adolescent, j’ai dû fuir à pied en République démocratique du Congo et je ne suis rentré qu’après la conclusion de la paix », raconte-t-il.
Il a une nouvelle fois dû s’enfuir lors de la deuxième guerre civile qui a duré de 1983 à 2005 et au cours de laquelle le gouvernement soudanais a introduit la charia dans tout le pays. Il s’est réfugié en Égypte, d’où il a émigré des années plus tard vers les États-Unis. Pendant cette guerre, les Soudanais musulmans étaient armés par l’État avec pour mission de tuer et de réduire en esclavage les habitants du Sud. « Un de mes proches a été abattu », raconte Franco.
En 1995, CSI a commencé à libérer les premiers esclaves au Soudan, avec l’aide de commerçants soudanais. « CSI était la seule organisation qui s’engageait sur place pour la libération de mes compatriotes et qui attirait l’attention du monde sur l’esclavage au Soudan », précise-t-il.
Le Soudan a été placé sous les projecteurs sur le plan international après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York, sachant que le cerveau des attentats, Oussama Ben Laden, avait vécu pendant plusieurs années au Soudan avant d’émigrer en Afghanistan. Toutefois, afin d’éviter une nouvelle guerre coûteuse, la communauté internationale a préféré s’engager en faveur d’un accord de paix entre le Nord et le Sud, qui a finalement été conclu en 2005. Cet accord a signé la fin de l’islamisation forcée des chrétiens et des animistes originaires du Sud ainsi que des campagnes de rafles d’esclaves, mais pas la fin de l’esclavage au Soudan. C’est pourquoi CSI continue à libérer des Sud-Soudanais réduits en esclavage afin de les ramener au Soudan du Sud, un État qui a été créé en 2011. Franco Majok rappelle que la naissance du Soudan du Sud a été rendue possible grâce à CSI.
« Durant vingt-deux ans, nous avons été tués parce que nous n’étions pas musulmans », explique Franco Majok. Selon lui, de nombreux anciens esclaves et autres Sud-Soudanais, autrefois animistes, sont aujourd’hui chrétiens. « Ces dernières années, de nombreuses nouvelles Églises ont vu le jour au Soudan du Sud », rapporte-t-il. Franco craint toutefois que l’histoire sanglante ne se répète dans son pays. Les premières attaques d’islamistes soudanais auraient déjà eu lieu dans la région frontalière du nord du Soudan du Sud.
Sa famille a réduit en esclavage et persécuté des Sud-Soudanais
Juste après le récit de Franco Majok, c’était au tour du Soudanais Yassir Eric de prendre la parole. Le responsable de l’organisation chrétienne Communio Messianica, qui vit aujourd’hui en Allemagne a grandi au Soudan dans un contexte radicalement différent : on lui inculquait dès son plus jeune âge d’agir contre les « impies » originaires du sud du Soudan de l’époque. « Quand j’étais enfant, j’étais du côté de ceux qui tuaient des gens comme Franco Majok. J’étais un extrémiste musulman et je détestais les chrétiens du Sud. Je ne peux malheureusement que confirmer tout ce que Franco vous a dit. »
L’histoire de Franco Majok a touché personnellement Yassir Eric, car son oncle avait un esclave sud-soudanais du nom de Majok qui a ensuite été assassiné. Yassir Eric n’a pas pu se retenir et il s’est adressé directement à Franco Majok : « Je veux juste te dire, Franco, que je suis désolé pour ce que ma famille a fait à ton peuple. Mes regrets ne peuvent pas faire changer le cours du passé, mais j’espère que tu me pardonneras, car Jésus nous a donné la victoire. Il a transformé des ennemis en amis. »
Après ses paroles émouvantes, les deux orateurs se sont approchés et sont tombés dans les bras l’un de l’autre.
Reto Baliarda
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