
Des statistiques officielles l’attestent : l’Inde est le pays le plus largement impliqué dans la traite d’êtres humains. Les zones les plus exposées sont les régions proches de la frontière. Raison pour laquelle nous avons décidé de lancer un nouveau projet aux portes du Bangladesh.
Nous avons déjà mis en place une nouvelle petite équipe dans une zone située à la frontière du Bangladesh (pour des raisons de sécurité, nous tairons le lieu exact). Sur place règne l’anarchie. La majorité des habitants viennent du Bangladesh et sont des musulmans qui vivent illégalement dans la région. Nombre d’entre eux sont impliqués dans la traite d’êtres humains, ce qui fait de cette région une plaque tournante de ce marché sordide.
Grâce à une escorte policière, notre équipe a pu se rendre jusqu’à la frontière du Bangladesh. Nous étions constamment fusillés du regard, et nous comprenions bien que nous n’étions pas du tout les bienvenus. Mais cela nous a permis d’avoir un bon aperçu de la région. Nous avons même observé de loin un bâtiment où des filles sont « entreposées » en attendant qu’elles soient transférées du Bangladesh vers l’Inde. Nous avons aussi découvert des usines où des enfants et des familles entières sont retenus comme esclaves et travaillent dans des conditions inhumaines. La vue de toutes ces personnes totalement abandonnées m’a brisé le cœur. Il était vraiment insupportable d’observer cette horreur en étant incapable de sortir du véhicule pour libérer les captifs.
Le travail de prévention restera notre priorité, mais nous avons déjà mis sur pied un foyer où les enfants bénéficient d’un encadrement scolaire. Il constitue un espace protégé où les parents et les enfants trouvent une oreille attentive. De cette manière, nos collaborateurs apprennent beaucoup sur les conditions de vie locales. En outre, nous avons pu ouvrir des classes d’alphabétisation pour les femmes, ce qui donne aussi lieu à des échanges d’informations. En effet, les participantes sont mises au courant des dangers liés à la traite d’êtres humains et, par ces contacts réguliers, elles gagnent en assurance et elles ont de plus en plus confiance en nos collaborateurs. Ainsi, elles apprennent à mieux se protéger elles-mêmes ainsi que leurs enfants.
Nous sommes très heureux d’avoir déjà pu libérer deux filles qui avaient été appâtées dans une grande ville par une offre de travail de la part de leur propre famille. Elles ont vécu des choses terribles, et l’une d’entre elles, qui a été forcée de travailler dans une maison de prostitution, va bientôt accoucher. Étant donné sa grande faiblesse, elle ne pourra pas accoucher par voie naturelle, mais nous financerons sa césarienne.
Les parents respectifs sont très heureux d’avoir à nouveau leurs filles auprès d’eux. Leur entourage les a également reçues à bras ouvert, ce qui n’est pas évident ; en effet, comme dans de nombreuses cultures, une Indienne est souvent déconsidérée lorsqu’elle a été victime d’un viol.
Cette région est une zone dangereuse où la contrebande est florissante. Nous sommes extrêmement reconnaissants quand nous voyons la motivation de nos collaborateurs : ils se tiennent bien informés et ils agissent à la fois avec sagesse et courage. Nous nous réjouissons beaucoup d’avoir pu lancer avec eux ce nouveau projet qui permettra de protéger de nombreuses personnes du trafic d’humains et de libérer ceux qui s’y trouvent emprisonnés.
La responsable de mission pour l’Inde
L’Inde est le pays le plus largement impliqué dans le trafic d’êtres humains. L’État du Jharkand « produit » à lui seul quelque 33000 victimes de ce trafic criminel chaque année. Notons qu’il ne s’agit pas forcément des victimes d’enlèvements à proprement parler. La proie est souvent appâtée par un intermédiaire qui se présente comme une personne de confiance, que ce soit un membre de sa parenté, un voisin ou un « ami », qui lui promet un travail attrayant dans une grande ville. L’entremetteur peut aussi être une agence ou un « prince charmant » qui promet à une jeune fille un mariage plaisant.
De nombreuses filles sont ensuite vendues à des foyers privés, où elles doivent effectuer douze heures de travail par jour (voire plus) et où elles sont souvent violées. D’autres sont contraintes de travailler dans des usines ou dans l’agriculture. D’autres encore sont acheminées directement vers des maisons de passe où elles sont forcées à se prostituer.
Il n’est pas rare non plus que des parents vendent leurs propres enfants, car leur misère est telle qu’ils ne voient pas d’autre issue à leur condition. La pauvreté est donc un facteur de risque majeur. Les trafiquants se spécialisent souvent dans les régions reculées où le niveau général d’éducation est bas et où l’analphabétisme est fréquent. Ils profitent aussi de l’alcoolisme des parents, du manque de soutien aux victimes de la part des autorités ou de l’ignorance des victimes quant à leurs droits.
Reto Baliarda
Nous serions heureux que vous nous fassiez part de vos commentaires et de vos ajouts. Tout commentaire hors sujet, abusif ou irrespectueux sera supprimé.