Voyage au cœur de la misère et de la souffrance

Peu de personnes tutoient la pauvreté d’aussi près que nos partenaires locaux. Au premier coup d’œil, les bidonvilles de Managua, comme ceux de la côte est du Nicaragua, paraissent idylliques. Mais cette vue est trompeuse. Nos partenaires y mènent un travail dangereux.

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Il faut en effet promener un regard attentif, écouter des histoires de vie et expérimenter la réalité des habitants pour mieux connaître ce qui se passe vraiment dans les bidonvilles du Nicaragua. Ce n’est pas le regard des enfants affamés qui nous choque le plus, mais bien les conditions de vie, le dénuement, le désespoir, l’état de santé catastrophique de nombreuses personnes, l’instabilité, la consommation d’alcool et de drogue, la violence, les multiples abus et la peur continuelle.

Aucune aide du gouvernement sans être affilié au parti

Lorsqu’on demande à Sœur Guadalupe, notre partenaire de mission, ce que fait l’État pour combattre la misère des bidonvilles, sa réponse est désabusée : « Sur la côte ouest, on peut obtenir un soutien minime du gouvernement, mais cette aide est soumise à une condition qui empêche notre congrégation de faire une demande. » La condition est simple : il s’agit de soutenir de différentes façons le parti sandiniste au pouvoir et son idéologie marxiste : « Aucune aide n’est accordée si l’on n’est pas membre du parti et que l’on ne participe pas activement à la propagande ! De plus, la présence aux réunions politiques est obligatoire. »

Aucune aide pour la côte est

La côte atlantique est complètement ignorée par le gouvernement et laissée à l’abandon, même si les chrétiens n’y sont pas persécutés, ce qui était le cas par le passé. Sœur Guadalupe est inquiète : « Les dons humanitaires en provenance de l’étranger sont bloqués. En outre, la corruption gangrène toutes les sphères de la société : de toute part, nous sommes en proie à ce phénomène. Et ceux qui en font les frais, ce sont bien sûr en priorité les plus pauvres. »

Un cœur pour les filles dans la misère

Notre interlocutrice ne veut pas rester les bras croisés : « Je suis vraiment heureuse pour chaque personne à qui je peux faire du bien. »

Grâce aux dons envoyés depuis la Suisse, nous pouvons faire un travail énorme. Notre objectif prioritaire : les deux foyers de la côte est du Nicaragua situés à Puerto Cabezas et Bluefields, où ont été accueillies 36 filles issues de conditions absolument catastrophiques.

Narchani en est une bonne illustration. À 8 ans, elle a été violée par son oncle, un homme violent. Sa sœur a subi le même sort. Leur mère alcoolique n’est pas capable de les protéger et la situation se détériore de plus en plus. La sœur de Narchani porte des séquelles psychiques telles que même nos partenaires locaux se sentent dépassées. Elle vit actuellement chez sa tante.

Par contre, Narchani a pu être placée chez nos partenaires, qui font tout leur possible pour l’aider à surmonter son passé douloureux en lui manifestant amour et protection. Elles la préparent peu à peu pour qu’elle puisse intégrer l’école. Sœur Guadalupe relate : « Bon nombre de jeunes filles ont déjà vécu des choses terribles ; les familiariser avec un quotidien ‹x84xnormalx84x› constitue un véritable défi ; il s’agit souvent de leur donner les bases de vie les plus élémentaires. » Mais le travail des sœurs est payant : depuis environ 5 ans, des jeunes filles telles Narchani sont aidées et elles ont droit à une vie normale.

De la misère aux études

Entre-temps, les premiers fruits sont apparus et quelques-unes des filles ont commencé des études. Hielva a rejoint le couvent il y a quelques années ; ses parents étaient si pauvres qu’ils ne pouvaient plus nourrir leurs enfants. Hielva est consciente de l’immense cadeau qui lui a été fait ; les religieuses lui ont appris énormément de choses, elle a pu nouer de belles amitiés et aller à l’école. Elle est infiniment reconnaissante d’avoir pu commencer ses études de médecine. Hielva voit son avenir avec confiance : « J’espère beaucoup pouvoir un jour aider d’autres personnes – tout comme les sœurs m’ont aidée ! »

Vivre au milieu de ceux qui souffrent

Les sœurs sont habituées à côtoyer la misère. Elles ne craignent pas de visiter des misérables qui croupissent dans leur logis moisi et puant, même quand elles doivent se frayer un passage au milieu des cafards et des rats ! Elles s’approchent de ceux qui sentent mauvais, qui sont sales et qui font peur. Sœur Guadalupe explique : « Je suis profondément touchée par la souffrance injuste qui touche ceux qui sont pris dans le cercle vicieux de la pauvreté, de la malnutrition et de la maltraitance, surtout les enfants ! »

Grâce aux dons de ceux qui nous soutiennent ainsi qu’au travail persévérant et quotidien des sœurs, les habitants des bidonvilles bénéficient d’une aide de grande valeur. Bien sûr, cette action perdrait son sens si elle n’allait de pair avec une écoute personnelle attentive de tous ceux qui en bénéficient.

Aide concrète

Voici quelques exemples de l’aide concrète qui est apportée dans les bidonvilles : la distribution de 300 repas de midi à des enfants et à des adultes cinq fois par semaine à Managua et à Tipitapa, à l’ouest du Nicaragua, et la distribution mensuelle de denrées alimentaires de base à des familles très pauvres, qui parfois peuvent à peine se procurer un repas par jour.

On recense aussi de nombreuses personnes pauvres et grabataires qui ne peuvent plus sortir de leur habitation misérable. Là aussi, les sœurs visitent régulièrement ces familles, leur apportent des médicaments et des soins médicaux. Dans les cas les plus graves, elles organisent un transport à l’hôpital et accompagnent les malades durant les soins.

Dans un des bâtiments du couvent, un médecin et un dentiste, Mme Blanca et M. Leser, soignent des habitants des bidonvilles à des tarifs très bas, ou même parfois gratuitement. Leur officine est très précieuse et propose aussi des médicaments à très bas prix.

Par ailleurs, les sœurs participent au financement de livres, de matériel et d’uniformes scolaires. Sœur Guadalupe explique : « Nous accordons une très grande importance à la formation scolaire des enfants. Sans formation de base, les jeunes sombrent de façon irréversible dans la spirale du chômage, de la violence et des addictions (drogue, alcool). »

Nos partenaires travaillent d’arrache-pied dans leurs quatre couvents. De cette façon, elles peuvent même s’assurer un revenu modeste en confectionnant des hosties et en proposant la préparation et la livraison de repas. Ce revenu permet de financer les écoles dans les couvents pour un total d’environ 600 enfants. Nous sommes à chaque fois impressionnés et touchés de voir avec quel renoncement les sœurs s’engagent pour leurs protégés.

La responsable de mission pour le Nicaragua

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