06 juillet 2016

Lorsqu’une conversion peut être fatale

En Ouganda, les attaques contre d’anciens musulmans qui sont devenus chrétiens se multiplient. En majorité, elles sont perpétrées dans l’est du pays, où la minorité musulmane est fortement représentée. L’extrémisme islamiste devient de plus en plus puissant. Le gouvernement doit agir.

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L’Ouganda est un pays majoritairement chrétien (85 %). Les musulmans, en majorité sunnites, représentent environ 11 % de la population et vivent surtout dans l’est du pays. Par ailleurs, le président ougandais Yoweri Museveni est chrétien. Mais les chiffres n’empêchent pas les islamistes de commettre des actes de violence et la liberté de religion ancrée dans la Constitution ne pèse pas lourd face aux islamistes. 

Les anciens musulmans sont en danger

La plupart des exactions documentées concernent d’anciens musulmans qui ont embrassé la foi chrétienne. Depuis peu de temps, les attaques sont en augmentation.

En août 2014, Ntende Hawa s’était tournée vers Jésus après une réunion d’évangélisation. Lorsque son mari Daparah Mumpi a appris sa conversion, il a piqué une colère noire et il a crié « Allahu akbar » (Allah est plus grand). Il s’est emparé d’un objet pour tabasser son épouse. Des voisins ont pu sauver la jeune femme et les enfants apeurés.

Devant le juge, l’homme vexé n’a montré aucun regret : « Le Coran me permet de tuer les apostats de l’islam. » Le 4 avril 2016, Daparah a de nouveau attaqué son épouse à l’aide d’une machette. Son frère a pu empêcher le pire.

D’autres exemples confirment les exactions croissantes à l’encontre des anciens musulmans qui se convertissent.

Il y a deux ans, la veuve Amina Napiya (42 ans) est devenue chrétienne. Le 16 mars 2016, elle a dû s’enfuir avec ses cinq enfants de son village de Nakajete (est de l’Ouganda). Sa fille de 13 ans avait été violée trois semaines auparavant. Le coupable avait déclaré que ce viol était un avertissement pour la mère, qui aurait jeté l’opprobre sur l’islam.

Il n’est pas rare que les musulmans convertis au christianisme doivent payer leur « apostasie » de leur vie. Laurence Maiso, par exemple, a été assassiné le 27 janvier 2016, quatre jours après une visite de l’imam Kamulali Hussein, qui l’avait averti que les anges de la mort d’Allah le menaçaient. Un mois auparavant, cinq chrétiens sont morts. Ils avaient organisé une étude biblique clandestine dans leur village majoritairement musulman. À cette occasion, ils avaient été empoisonnés avec du pesticide durant le repas dans la maison d’un nouveau converti. Une femme enceinte se trouvait parmi les victimes ! 

L’influence croissante du wahhabisme

Le rejet radical et la violence brutale auxquels les convertis sont confrontés indiquent une influence croissante des extrémistes musulmans en Ouganda.

Mais il n’en a pas toujours été ainsi. L’islam africain est réputé de longue date pour son ouverture et sa tolérance. La plupart des musulmans africains sont marqués par le soufisme qui prône une spiritualité personnelle et qui n’a rien à voir avec l’islam wahhabite. Cependant, l’influence croissante de l’Arabie saoudite et du Qatar ont favorisé la poussée de l’extrémisme en Afrique. Ceci surtout par des étudiants africains de retour de leur formation au Moyen-Orient.

Depuis de nombreuses années, le gouvernement ougandais renforce ses efforts pour une coexistence pacifique entre les chrétiens et les musulmans. Ainsi, en 1989, le président Yoweri Museveni a exhorté les Ougandais à ne pas discriminer les musulmans. Parallèlement, il a mis en garde contre le fanatisme religieux. 

Un attentat à cause d’une intervention militaire ?

Cet avertissement est encore valable aujourd’hui : « La menace de l’extrémisme islamiste est un grand problème », déclare le Premier ministre ougandais Ruhakana Rugunda dans un entretien télévisé. Il ajoute : « Pour combattre l’extrémisme, il est de notre devoir d’être transparents et de prendre nos responsabilités. »

L’Ouganda fournit une grande partie des forces de maintien de la paix africaines pour soutenir le gouvernement somalien dans son combat contre l’État théocratique revendiqué par les islamistes. Or le gouvernement considère justement cet engagement militaire comme une des raisons principales qui justifient la montée de l’extrémisme islamiste en Ouganda.

Le triste apogée de ce développement est l’attentat à la bombe de juillet 2010 dans la capitale de Kampala, au cours duquel 79 personnes ont été tuées. Outre la milice terroriste somalienne Al-Shabbaab, des islamistes autochtones semblent bien avoir participé à cet attentat. 

La fermeture des madrasas est-elle une provocation ?

Le gouvernement s’applique à sévir contre l’islamisme croissant. En mars 2015, cinq madrasas (écoles coraniques) ont été fermées. Le gouvernement a justifié cette décision par le fait que ces écoles radicalisaient de jeunes étudiants qui se ralliaient ensuite à des groupes de rebelles extrémistes. Or les écoles qui ont été fermées étaient en relation avec l’une des milices les plus redoutées l’Allied Democratic Forces (ADF). Basé au Congo, ce groupe a organisé plusieurs attentats sanglants contre l’Ouganda.

Avec la fermeture des madrasas, le gouvernement d’Ouganda a irrité une partie des musulmans autochtones. Ainsi, cette mesure a été fortement critiquée par l’un des dirigeants religieux musulmans, Kassim Nakibinge. De telles mesures sont de l’eau apportée au moulin des musulmans qui ont un potentiel de radicalisation. Car c’est justement dans le domaine de l’éducation que de nombreux musulmans d’Ouganda se sentent défavorisés. Haji Nsereko Mutumba, le directeur de l’Uganda Muslim Supreme Council, déplore que le gouvernement ougandais n’intègre pas suffisamment les musulmans dans le système éducatif.

Ainsi donc, le gouvernement ougandais se trouve face à un dilemme de premier ordre : un équilibre doit être trouvé pour arrêter l’islamisme croissant. Cet équilibre entre des mesures d’intégration et des sanctions doit garantir la liberté de religion dans tout le pays.

Reto Baliarda

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