Le ministre de la Santé du Haut-Karabakh est angoissé

Les Arméniens du Haut-Karabakh sont isolés dans leur patrie en raison du blocus imposé par l’Azerbaïdjan. Aujourd’hui, la situation s’est encore aggravée de manière dramatique. « Bientôt, des gens vont mourir ! » craint Vardan Tadevossian, ministre de la Santé du Haut-Karabakh et partenaire de CSI.

Pour les personnes gravement malades, une camionnette de la Croix-Rouge est la seule possibilité de se faire soigner en Arménie. Mais selon Vardan Tadevossian, cette possibilité est de plus en plus limitée. Photo : Artsakh Human Rights Ombudsman

Pour les personnes gravement malades, une camionnette de la Croix-Rouge est la seule possibilité de se faire soigner en Arménie. Mais selon Vardan Tadevossian, cette possibilité est de plus en plus limitée. Photo : Artsakh Human Rights Ombudsman

 

La situation humanitaire pour les quelque cent vingt mille Arméniens du Haut-Karabakh s’aggrave à vue d’œil. La raison en est le siège par l’Azerbaïdjan de la seule route de liaison entre l’enclave arménienne et la République d’Arménie, appelée corridor de Latchine.

Le partenaire de CSI Vardan Tadevossian ne connaît que trop bien la souffrance de la population. D’une part, il est ministre de la Santé du Haut-Karabakh, d’autre part, il dirige un centre de réhabilitation dans la capitale Stepanakert, qui est soutenu par CSI.

Des denrées alimentaires trop chères

Dans un entretien avec le collaborateur de CSI Joel Veldkamp, Vardan Tadevossian décrit la situation économique sur place, qui est catastrophique par manque d’approvisionnement depuis le monde extérieur : « Le prix des œufs a triplé depuis le blocus. Les tomates sont dix fois plus chères et pour les pommes, nous payons trente fois plus qu’avant le 12 décembre 2022. »

Les rues de la capitale sont désormais presque désertes, car il n’y a pas d’essence pour les voitures. Seuls les véhicules d’urgence comme les ambulances et une poignée de bus circulent encore. « En raison du manque d’essence, les paysans ne peuvent pas apporter leur produits à Stepanakert », poursuit le partenaire de CSI.

Une catastrophe humanitaire

Le manque extrême de carburant entraîne également des répercussions sur le système de santé. Le ministère de la Santé du Haut-Karabakh doit se contenter de 30 % du carburant normalement utilisé. La plus grande partie est utilisée pour les générateurs des hôpitaux, par exemple pour les appareils IRM qui, sinon, tomberaient en panne. Malgré ces mesures, des centaines de personnes ne peuvent actuellement pas être opérées, souligne M. Tadevossian. « Il manque les médicaments nécessaires pour cela. »

Le Haut-Karabakh manque de tout et la situation ne cesse d’empirer : jusqu’à récemment, les Arméniens de cette enclave pouvaient au moins espérer de petites livraisons de nourriture, de carburant et de médicaments par la Croix-Rouge et les Forces russes de maintien de la paix. Mais le 15 juin 2023, l’Azerbaïdjan a empêché les Russes d’utiliser le corridor de Latchine.

Les Russes acheminent désormais leurs propres fournitures par hélicoptère jusqu’à leur base. « Ces livraisons ne sont destinées qu’à eux. Aucune aide humanitaire ne nous parvient… pas de médicaments, pas de nourriture, pas de carburant, rien ! »

Cependant, depuis le début juillet, l’Azerbaïdjan a également restreint drastiquement l’accès et les livraisons de la Croix-Rouge.

La situation est de plus en plus précaire. Les églises arméniennes sont également régulièrement attaquées par l’Azerbaïdjan. csi
La situation est de plus en plus précaire. Les églises arméniennes sont également régulièrement attaquées par l’Azerbaïdjan. csi

Harcèlement pour les urgences médicales

Les patients qui ne bénéficient pas d’un traitement médical suffisant au Haut-Karabakh peuvent certes théoriquement être transportés dans des fourgons du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) vers la capitale arménienne Erevan. Mais la capacité de ces véhicules est limitée, remarque Vardan Tadevossian qui, en tant que ministre de la Santé, est responsable de l’inscription des personnes sur la liste de transport du CICR.

Au final, c’est l’Azerbaïdjan qui décide qui peut quitter le territoire. Et l’occupant limite de plus en plus les possibilités de quitter le pays. Jusqu’à récemment, les patients pouvaient emmener leur conjoint ou la personne qui s’occupe d’eux ainsi que leurs enfants de moins de 5 ans à Erevan.

Mais depuis le 14 juillet 2023, les enfants des patients ne peuvent plus les accompagner, quel que soit leur âge. M. Tadevossian raconte : « J’ai demandé au chef de la délégation de la Croix-Rouge ce qu’il en est des mères qui allaitent encore leurs bébés. Peuvent-elles emmener leurs bébés ? » Il a répondu non et a simplement expliqué : « Croyez-moi, je ne suis pas le décideur. »

Les personnes autorisées à quitter le Haut-Karabakh pour suivre un traitement sont en outre harcelées. Récemment, l’Azerbaïdjan a envoyé sa propre équipe de médecins au poste de contrôle. Celle-ci examine les patients afin de s’assurer qu’ils sont « vraiment malades ». Parfois, les Azerbaïdjanais prennent des vidéos des patients au point de contrôle et les publient sur les médias sociaux.

« À un moment donné, ils ont exigé le dossier médical complet de tous les patients qui s’y rendaient, remarque notre partenaire. J’ai refusé de les donner. Finalement, ils ont abandonné cette exigence. »

Trois fois plus de fausses couches

Mais le blocus et le harcèlement permanent des Azerbaïdjanais rongent la santé des Arméniens du Haut-Karabakh. La semaine dernière, les autorités locales ont annoncé que le taux de fausses couches chez les futures mères avait triplé depuis le blocus.

Persévérance et peur

Même dans ces circonstances extrêmes, Vardan Tadevossian poursuit son travail dans le centre de réhabilitation de Stepanakert, soutenu par CSI. La journée, il travaille en tant que ministre de la Santé, le soir au centre. Les collaborateurs ont réussi à maintenir les séances d’hydrothérapie pour leurs patients en remplaçant leur système de chauffage par du diesel. Les réserves sont encore suffisantes pour plusieurs mois. De plus, certaines salles de bain ont été rénovées pour les rendre plus accessibles aux personnes en fauteuil roulant.

Néanmoins, les perspectives sont préoccupantes, craint notre partenaire : « Les gens vont bientôt mourir ! » S’ajoute à cela le fait que les cent vingt mille habitants du Haut-Karabakh doivent vivre en permanence avec la peur d’une attaque azerbaïdjanaise qui peut survenir à tout moment.

CSI a lancé une alerte au génocide pour les Arméniens chrétiens du Haut-Karabakh. L’organisation demande en outre aux États-Unis, à la Grande-Bretagne et à l’UE de faire pression sur leur allié l’Azerbaïdjan pour qu’il mette fin au blocus, qu’il fournisse une aide humanitaire au Haut-Karabakh et qu’il reconnaisse le droit à l’autodétermination des Arméniens de cette contrée.

Joel Veldkamp

Le ministre de la Santé du Haut-Karabakh s’inquiète pour les jeunes mères et leurs bébés (en anglais, sous-titres allemands)

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